Comment valoriser les contributions aux logiciels libres ?

Bien souvent, une personne qui contribue à des logiciels libres, le fait sur son temps libre, plus ou moins en cachette de sa hiérarchie et au détriment de sa carrière, y compris quand le logiciel sert à l’exercice de sa profession.

C’est notamment vrai dans le monde de la recherche : un chercheur qui développe, a moins de temps pour publier Mais pas seulement.

Alors comment pourrait-on valoriser les contributions aux logiciels libres ? Comment mesurer leur utilité ?

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Dans quel sens entendez-vous « valoriser » ? pour la personne qui contribue ? ou pour la hiérarchie afin de permettre ces contributions ?

Je contribue à des logiciels libres et ouverts, et j’y consacre presque la moitié de mon activité.
Il peut arriver qu’une partie de ce travail soit valorisée par le Crédit Impôt Recherche.
La majeure partie est « auto-valorisée » car les contributions que je fais peuvent être des corrections
de problèmes, et cela prend moins de temps de laisser l’auteur du logiciel le maintenir et le corriger,
que de s’occuper soi-même d’une version interne.
Absolument tous les logiciels dont dépend notre entreprise (dev de sites web) sont libres et ouverts;
il est donc relativement aisé de faire comprendre qu’il vaut mieux faire partie de cet écosystème plutôt
que de rester à côté.
J’imagine qu’il doit être assez difficile de faire comprendre cela dans des entreprises ou des administrations qui n’ont pas cette culture du travail collaboratif « ouvert et libre ».
Une condition primordiale est qu’un des moyens de production soit un logiciel libre - sinon ça n’a aucun sens.

Très juste. Il faudrait discuter plus généralement de la manière dont on pourrait inciter les administrations à lâcher un peu de ressources (financières mais oui aussi éventuellement du temps de travail ou de la bande passante etc.) au bénéfice des projets libres qui leur sont utiles.

En tant que comptable public, mon boulot est de m’assurer qu’il y a bien un document établissant une dette de l’établissement qui me soumet un paiement. Comment faire pour rendre normal et faire admettre par toutes et tous un don ? Et si possible pas par la procédure de vote en assemblée délibérante, comme on le ferait pour une subvention : non, une rétribution pour le code produit, versée bien que pas strictement obligatoire.

D’après moi, on aura besoin, pour cela, d’un coup de pouce réglementaire, avec un acte ministériel (PM probablement, pour toucher tout le monde) établissant le cadre de ces versements libéraux et non libératoires. C’est assez fin du point de vue juridique, s’il y a des gens pointus en droit des finances publiques pour y réfléchir, ils seraient les bienvenus.

Parallèlement, il faudrait que les fondations ou les administrations édifiant des LL (j’en reste au non-lucratif strict mais ça doit pouvoir être élargi) apprennent à établir des factures entrant dans l’esprit du dispositif ainsi créé. Et enfin que chaque LL comprenne un bouton « contribuer au développement de ce logiciel », qui mette en lien avec sa fondation-support pour l’établissement d’une « facture » conforme à l’arrêté ministériel.

Et des politiques pour pousser l’idée jusqu’en haut, forcément.

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Dans l’économie actuelle , les logiciels « libres »/ouverts ne semblent pas être valoriser.

C’est un véritable problème , on peut le voir avec le cas Mozilla et FirefoxOS.

Comment résoudre cela ?

Faut-il développer de nouvelles platformes d’échanges avec donations récurrentes , ponctuelles , avec le système économique actuel ?

Faut-il sortir du sentier monnaie-dette / crédit
et plutôt partir / compléter avec un revenu de base où les producteurs de toute valeur / ressource seraient les citoyens ?

Il faut transformer les forges en places de marché.

Au lieu de rétribuer les contribution avec un « bravo merci continuez », on pourrait les « rétribuer… »
Sinon on va finir par lasser les gens…
Car il y a du monde pour vendre ce qui a été donné.
Il y a beaucoup trop de travail non payé dans le logiciel libre. Le crowd-sourcing c’est le vol dirait Proudhon s’il revenait…

Quelques idées là-dessus.

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Bonjour
A noter que dans le cadre du dernier programme d’innovation ouverte Open Law Europa, co-développé par le secteur public et le secteur privé, des travaux d’innovation juridique ont permis de créer un statut de ‹ ‹ contributeur des communs numériques › ›.

Cela nous a permis d’indemniser en droits d’auteur les personnes de la communauté qui ont effectivement participé à nos travaux, contre cession de leurs droits et redistribution sous des licences libres et virales de leurs contributions.
Ce statut de ''contributeur aux biens communs’’ semble transposable au delà des biens communs numériques du droit.

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La valorisation, il faudrait surtout y penser pour pouvoir s’en débarrasser, pour sortir de l’impératif de rendement qu’elle veut imposer à chacun de nos faits et gestes.

Le glissement a déjà été entamé sur l’entraide et le partage qui se font bouffer par « l’économie du partage » (oxymore), voir le covoiturage qui devient rétribué (et cesse donc d’être du covoiturage comme activité sociale pour devenir un service pour lequel chacun souhaite en avoir pour son argent).

Le logiciel libre, comme toute activité faisant lien social, fait bien sûr partie des cibles primordiales de la doxa « libérale ». Les Grima Langue-de-Serpent reviendront éternellement nous insinuer à l’oreille : « quand même, tous ces logiciels libres que tu fais, tu n’en tires aucun profit alors que d’autres se sucrent sur ton dos, tu devrais faire valoriser tes contributions ».

À nous de répondre comme Gandalf. À nous de refuser de rentrer dans cette rhétorique.

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Pour répondre à cette objection, on pourrait utiliser des associations-support, comme le font les artistes avec le statut d’intermittent : l’association émet une facture, et paie l’artiste/développeur ainsi que l’ensemble des charges sociales de rigueur. C’est relativement simple et efficace, les gens ont le libre choix de l’association qu’ils utilisent, ces assoces peuvent être toutes petites ou tentaculaires, c’est un détail.

Je suis plutôt de l’avis de @Trebloc.

Pour moi, mes contributions aux logiciels libres (et open source en général) sont parfaitement bénévoles pour le seul bénéfice du projet et de ses utilisateurs (et parfois moi car ma contribution répond en général à un souci rencontré, ou un besoin non rempli par le logiciel).

Pour moi, il s’agit surtout d’autoriser les personnes compétentes à reverser leurs contributions à la communauté, déjà envoyer un signal fort en ce sens plutôt que de laisser seulement quelques uns prendre « le risque » de contribuer sur leur temps de travail et sans approbation de leur hiérarchie.

La valorisation de telles contributions n’est, pour moi, utile que si on écrit un contrat pour ça… donc pour une entreprise qui a des impératifs de bénéfices afin de vivre (et faire vivre ses employés).

Il ne s’agit pas d’un marché. Toutes les dépenses des opérateurs publics ne procèdent pas systématiquement d’un marché. Le concept ici est différent : la personne publique fait usage d’un logiciel, et paie une facture d’entretien de ce logiciel. J’envisage ce dispositif pour la « longue traîne », l’objectif est de rendre possible aux fonds publics de contribuer symboliquement, avec des montants faibles. Mais multiplié par le nombre d’administrations participantes, cela pourrait changer la donne, et encourager de manière décisive les entreprises ou fondations encadrant le développement du LL.

J’ai répondu trop vite à ta remarque, mon idée ne consiste pas à rémunérer directement les développeurs, même si cela peut être envisagé à la rigueur, et j’ai montré comment on pourrait le faire si souhaité. En fait ce que j’imagine s’apparente à du financement participatif (par la foule), prenant en compte les besoins des comptables publics (en adaptant l’exigence réglementaire).

Voilà, c’est globalement ce que j’avais en tête. Pour ce qui concerne le secteur public, les agents/fonctionnaires sont déjà payés. La question est plutôt que leur hiérarchie reconnaisse une bonne fois pour toute qu’une contribution à un LL peut faire partie de leur mission et ne pas leur être préjudiciable.

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C’est tout le problème: un agent a des obligations de services, et la hiérarchie n’a pas toujours les moyens techniques ni règlementaires pour évaluer les dites contributions. Les procédures sont très formalisées. Par exemple, dans le cas du CNRS, quelle solution pour un chercheur qui publierait moins parce qu’il contribue au LL, sachant que les publications font partie des critères d’évaluation officiels ?

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Il suffirait que la contribution à un logiciel fassent partie des critères d’évaluation d’un chercheur.

Et pour évaluer un logiciel, on pourrait le référencer dans un catalogue où des indicateurs (automatiques, contributifs ou attribués par des pairs) serviraient de critères de qualité.

Quels sont les critères d’évaluation de la qualité des publications scientifiques ? On pourrait peut-être s’en inspirer pour les logiciels.

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Si on en reste déjà au secteur public, j’ai l’impression qu’il y a deux sujets de réflexion somme toute un peu différents.

  • d’une part, la valorisation par les administrations des projets qu’elles utilisent (@Intendant_zonard)
  • d’autre part la valorisation au sein des administrations des contributions au logiciel libre des agents
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Pour moi c’est plus compliqué que cela, c’est pourquoi j’ai remis en cause cette discussion plus haut :

  • on mélange chercheurs ou enseignants avec les autres fonctionnaires mais les premiers n’ont pas de hiérarchie et disposent de la liberté académique (en clair ils décident de leur travail eux-mêmes) ;
  • on mélange avec le mot « valorisation » divers registres (caractère valorisant pour le développeur, utilité morale, valeur d’usage, gratification d’un salarié, dépeçage du service public…) ;
  • on mélange évaluation scientifique du chercheur et évaluation d’une contribution pas à proprement parler de recherche mais tout de même utile d’un certain point de vue ;
  • on mélange évaluation de la recherche par les pairs et évaluation du chercheur par un organisme
  • on mélange production dans le secteur public et production par des sous-traitants du secteur privé ;
  • on mélange production dans le cadre d’une mission et production sur le temps libre…

et j’en passe…

Chacun de ces points devrait être abordé séparément.

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Très justes remarques.

Je crois que le but de cette discussion est justement de démêler tout ça. Il faudrait aborder chacun des points méthodiquement mais pas de manière isolée. Pour prendre artificiellement le contrepied, on peut aussi dire que tout est lié. Ainsi l’évaluation par en organisme repose en partie sur le système d’évaluation par les pairs, la distinction temps libre travail est parfois floue pour un chercheur, et la question de la valorisation va bien au delà du logiciel libre.

Que diriez-vous d’essayer de produire une synthèse des différents points évoqués au moyen d’un wiki (sur ce forum) ?

Bonjour.

Pour valoriser, il faut commencer par faire connaître.

http://linuxfr.org/

Des universités françaises maintiennent des mirroirs du CRAN. Quelqu’un sait-il comment cela est organisé ? Est-ce une décision des labos de consacrer des moyens humains et techniques à ces miroirs ? Des initiatives personnelles ?

Pour les enseignants, c’est soumis à l’approbation de l’inspecteur qui donne généralement son aval.

De façon général, l’activité annexe est soumise à l’aval du «payeur» de l’activité principale (enfin pour l’emploi salarié.)