Merci d’avoir lancé la discussion sans l’enfermer dans un débat théologique.
Je précise que je suis fondateur et dirigeant d’un petit éditeur logiciel français, qui a fait le choix du propriétaire, et qui est confronté tous les jours à une compétition féroce sur ses marchés, contre des acteurs internationaux qui n’ont pas les mêmes boulets réglementaires, fiscaux et sociaux que nous.
Il y a évidemment des success stories en matière d’open source. Mais dans le secteur public, l’histoire des 10 dernières années est également jonchée de projets open source dont un seul prestataire maitrise et maintient le code source. Le client paie alors le développement, et finance à ses frais la maintenance. Sans écosystème de taille suffisante, sans incitation forte à reverser, le marché est souvent trop étroit pour justifier un tel engagement. Et le client finit par payer de l’h.j de développeur, sans les engagements dans la durée d’un éditeur qui a construit son business model pour garantir la pérennité du produit.
Bon nombre d’éditeurs ont également surfé sur le swag de l’open source tout en enterrant une partie du code source et des fonctionnalités premium dans un abonnement Enterprise, ou en publiant les updates avec un décalage de 6 à 12 mois … C’est l’open source canada dry, mais l’argument marche commercialement lorsque le client n’y comprend pas grand chose. C’est toutefois de moins en moins le cas.
Je vois pour ma part 3 sujets majeurs à traiter, qui dépassent le choix du modèle économique :
- on l’oublie souvent, mais le logiciel est-il bon, voire excellent, pour couvrir les attentes des utilisateurs ?
Entre deux solutions équivalentes fonctionnellement et techniquement, présentant un coût complet voisin, le choix entre open source et propriétaire se justifie pleinement. Mais choisir un mulet parce qu’il est open source, plutôt qu’un cheval de course propriétaire, relève d’un choix irresponsable, et de nature à ne pas améliorer la côte de popularité des DSI auprès de leurs clients internes…
- le logiciel met-il à disposition les API, connecteurs, documentations rendant transparents les objets et les données qui y circulent, en donnant la main au client pour urbaniser son SI et intégrer comme il l’entend ce logiciel dans son patrimoine informatique ?
Entre un logiciel propriétaire ouvrant son modèle objet et ses transactions via API, et une solution open source verticale, non pensée dans une optique d’intégration ouverte, lequel est préférable ?
- le modèle économique retenu permet-il de développer l’autonomie de la nation en matière numérique, l’emploi en France, et peut-il donner naissance à des champions français capables de diffuser à l’international notre savoir-faire ?
Pour ma part, je crois dur comme fer dans le savoir faire et le génie de nos développeurs. Et je préfère m’appuyer sur un modèle me permettant de recruter des ingénieurs, des designers, des consultants dans nos régions, plutôt que de rendre possible le pillage de nos créations par de grandes SSII capables de recruter 20 ingénieurs pakistanais payés au lance-pierre pour proposer des projets outsourcés à prix discount, basés sur nos innovations.
Je vous invite d’ailleurs, si vous ne l’avez pas encore fait, à découvrir l’association EFEL qui regroupe de jeunes (et moins jeunes) PME françaises du numérique, qui partagent cette conviction que les ingénieurs français ont une carte à jouer dans le domaine du logiciel, après avoir abandonné toutes les positions dans la plupart des domaines industriels ces 20 dernières années.
Certains font le choix de l’open source. D’autres non. Mais ce choix est relativement secondaire. C’est avant tout une conviction dans le numérique made in France qui doit primer, il me semble.