Externalités positives et logiciels non privateurs

Bonjour,

les externalités constituent, si j’ai bien compris, les aspects positifs ou négatifs qui entrent en jeu dans une action économique sans être immédiatement associés à cette action. En particulier, ces externalités ne sont pas financièrement quantifiables…

Deux exemples (rien à voir avec les logiciels libres) :

  • En agriculture fruitière, les abeilles permettent la production de fruits en pollinisant les fleurs mais, bien sûr, elles n’interviennent pas dans le bilan économique des propriétaires ou exploitants. Il s’agit ici d’une externalité positive car elle concourt à la production …
  • Avant la taxe carbone, la production de CO2 était considérée comme un externalité négative en raison de son coût sociétal. D’une certaine manière la création de la taxe carbone a permis d’internaliser l’externalité CO2 en la faisant apparaître dans les bilans économiques, financiers ou comptables des organisations…

Pour revenir aux logiciels libres, il constituent pour moi une externalité positive :

  • Supposons que je sois un opérateur public qui utilise des logiciels libres (ou open-source) que j’installe ou exploite moi-même (car j’ai les compétences en interne) …

  • Dans ce cas mon utilisation de ces logiciels est complètement transparente car elle ne fait intervenir aucun aspect financier.

  • Mais, en particulier, cette utilisation des logiciels (ou système) libre possède un impact économique certain puisque le logiciel libre (qui m’appartient – investissement --) que j’utilise remplace sans doute un logiciel propriétaire (soumis à licence et/ou redevance – fonctionnement–) qui a un coût explicite .

La question est alors : comment faire pour internaliser les externalités logicielles libres ou open-source afin de pouvoir les faire apparaître explicitement au niveau des bilans de mon organisme ?

1 J'aime

Comme vous le dites vous-mêmes en prenant le cas de l’agriculture fruitière, les abeilles, comme le logiciel libre ne peuvent pas être explicitement comptabilisés dans les bilans de votre organisme.
Pour se faire, il vous faudrait considérer le fait de faire un don aux organes de production de ces logiciels libres (association, développeur indépendant, éditeur…). Et dans ce cas, on pourrait alors quantifier le « coût » des logiciels libres que vous utilisez.
Mais cela serait alors une charge alors que pour vous, l’utilisation du logiciel libre n’est pas un coût, mais une dépense en moins.
Si on veut faire une analogie, est-ce que l’on peux considérer que les emails sont une externalité positive car ils possèdent un impact économique certains (remplacement du courrier + timbres) ? Même chose pour des logiciels non-ouverts qui remplacent le travail d’un employé ?

Pour moi, cela n’est pas possible, à moins de considérer le pendant inverse de la taxe carbone, c’est à dire un bonus (déduction fiscale ou autre) en cas d’utilisation de logiciels libres.

Bonjour,

Il me semble que c’est une mauvaise idée de quantifier les externalités générées par les logiciels libres. Les raisons principales sont deux : c’est difficile et c’est risqué.

C’est difficile, car comment vous aller quantifier l’idée que vous avez reçu en lisant un code et que vous avez implémenté par la suite dans le votre (voire pris directement un code disponible sous licence libre). Combien vaut-elle ?

Combien vaut la capacité de défendre vos idées que vous avez développé à force de participer dans le développement d’un programme à code ouvert ?

Sinon, comment vous allez quantifier le fait que lors d’un forum de libristes vous avez connu quelqu’un que vous avez recommandé plus tard à votre supérieur, et qui a par la suite été embauché et a apporté beaucoup de bénéfices à votre boîte. J’ai discuté il y a quelques années avec Walter Hecq de l’UBL qui travaille sur les externalités appliqués aux systèmes naturels et il m’a fait part de l’extrême difficulté de quantifier des choses si subtiles. Je pense que pour les logiciels libre et à code ouvert c’est un peu pareil. (Yann Moulier Boutang a également beaucoup travaillé sur le sujet des externalités.)

La deuxième raison me semble plus importante. Est-ce qu’il est moralement concevable de vouloir donner une valeur à tout ? Est-ce qu’on peut quantifier le bien-être que j’éprouve quand je partage ma passion ou le plaisir quand je trouve une solution à un problème qui me turlupine sur un salon IRC ?

Est-ce qu’on ne risque pas d’ouvrir une boîte de Pandore, même si au fond les raisons sont légitimes ? Combien vaut ma réponse sur stackoverflow ? Et est-ce que ma question vaut quelque chose, parce que plein d’autres l’ont lu et ont trouvé leur bonheur, mais c’est moi qui l’a formulé au premier.

Même si je pense que vous voulez internaliser d’autres aspects des logiciels, si vous vous engagez dans cette voie, tôt ou tard vous allez devoir quantifier des choses inquantifiables. Certaines associations essayent de valoriser le bénévolat (comptabiliser le nombre d’heures dépensés au profit de l’asso) et il me semble qu’il ne faut pas aller bien au delà de ça.

Bref, vouloir internaliser des externalités positives des logiciels libres me semble difficile et périlleux. La question m’a intéressé pendant un moment et je serais curieux d’entendre d’autres avis.