Les administrations devront "encourager l'utilisation" des logiciels libres. Un simple écran de fumé ?

Bonjour,

Suite aux débats du 27 avril au Sénat sur le projet de loi numérique, c’est un encouragement au logiciel libre dans les administrations publiques qui a été adopté :

http://www.senat.fr/enseance/2015-2016/535/Amdt_223.html

"Les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration veillent à préserver la maîtrise, la pérennité et l’indépendance de leurs systèmes d’information.

Elles encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation, de tout ou partie, de ces systèmes d’information."

Le terme d’encouragement, sans portée normative car absolument non contraignant, apparaît comme vide de tout effet utile. Il semble en être de même pour les objectifs affichés, qui bien que d’ importance semblent difficilement opposables.
Il s’agit là néanmoins d’un simple constat juridique. (- ayant une formation de juriste, je crains de souffrir de cet effet tunnel -)

Je souhaite donc m’adresser aux agents publics qui au sein de leur administration travaillent (voire luttent) déjà pour une utilisation, un recours, plus important au logiciel libre.

Comment percevez vous cette disposition ? Pensez-vous qu’elle vous aidera dans cet objectif ? Qu’elle puisse vous servir de levier vis-à-vis de votre direction et/ou des acheteurs publics afin de faire avancer l’acculturation nécessaire ? Ou s’agit-il d’une nouveau texte qui prendra la poussière ?

Merci d’avance,

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Bonjour,

Je ne pense pas qu’un « encouragement » puisse avoir un quelconque impact sur les stratégies logicielles dans les Administrations.
Les Administrations sont pragmatiques : elles appliquent des textes ou des ordres venus du gouvernement. Un « encouragement » n’a aucune valeur juridique dans un appel d’offre : les Sénateurs et Députés le savent.
A noter qu’une « priorité » ou « préférence » dans la loi n’aurait pas changé grand chose non plus tant que des mesures concrètes ne sont pas déclinées dans un décret d’application.
Exemple : « Les services auront l’ obligation de fournir une explication à chaque fois qu’un logiciel payant est choisi en lieu et place d’un logiciel libre plus ou moins équivalent »
ou même l ‹ obligation de faire figurer les termes d › « encouragement au logiciel Libre » dans tous les appels d’offre informatiques de l’état.

Christophe

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+1 / @Christophe
Je pense par contre que le RGI version 2 aura plus d’impacts opérationnels sur les collectivités et les services de l’état (et nous ne manquerons pas de nous appuyer sur le RGI et en faire la promotion qu’il mérite).
slts
fa

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C’est peut être là qu’il faut plus regarder… les logiciels libres sont les mieux placés pour répondre à l’objectif fixé.
Le texte n’est pas non plus définitif, il va encore y avoir des évolutions.

Merci pour ces retours,

Tout à fait d’accord, je pense qu’ un décret d’application aurait été indispensable pour qu’une « priorité » est une portée utile. À moins de détailler le sens du terme priorité dans la loi elle même, ce qui n’est à mon sens absolument pas souhaitable.

Mais je reste d’avis qu’il est indispensable, décret ou non, que la loi pose un principe fort et normatif. Un principe qui finalement se traduit par l’obligation de faire des choix raisonnés prenant en compte les « vertus » du logiciel libre.

Il me semble que les deux chambres du parlement ayant voté la disposition de manière conforme, du moins sur le terme « encouragement », il n’y aura pas d’évolution sur cette partie. Le seul ajout a été celui des objectifs poursuivis. Et sans décret pour leur donner une traduction concrète, je crains qu’ils n’aient que peu de portée.

En tant qu’utilisateur de logiciels libres et commerciaux, je dois dire que je ne suis pas convaincu par le fait de forcer les administrations à utiliser du libre. Il ne faut pas être dogmatique. Si un logiciel commercial permet d’être plus efficace qu’avec un équivalent libre alors il faut probablement prendre le logiciel commercial. Les administrations définissent leurs besoins techniques, à elles de choisir leur solution en toute connaissance de cause.

Je pense qu’il y a une distinction très importante à garder à l’esprit: donner la priorité et forcer à utiliser n’ont sémantiquement pas le même sens, et n’emportent donc pas les mêmes conséquences d’un point de vue juridique.

Si je vous impose de manger en priorité des pommes, ou si je vous impose de manger des pommes, cela ne traduit pas me semble t-il la même intention.

Dans le cas des logiciels libres, donner la priorité signifie que les administrations doivent raisonner leur choix en termes d’acquisition de solution logiciel, et privilégier les logiciels libres dans la mesure du possible et en prenant bien sûr en compte l’ensemble des critères exprimés.

Un logiciel commercial peut être libre, je ne comprends pas l’opposition que vous faites.

Par ailleurs la notion d’efficacité est somme toute (très) relative. Parle t’on de coût, de productivité, d’ergonomie, d’accessibilité, de qualité de service (public !), de maîtrise, d’adaptabilité…?
D’autant plus si on garde à l’esprit que « Code is law ». Il ne faut surtout pas tomber dans le piège de ne percevoir les logiciels que dans leur aspect technique.

Donner la priorité au logiciel libre c’est d’abord prendre conscience des enjeux d’indépendance et de maîtrise des outils informatiques, ainsi que de ceux de pérennité et d’interopérabilité des données (publiques). C’est aussi admettre que ce qui est développé et investi avec de l’argent public, doit autant que possible rester accessible et réutilasable par le public en général, et par les autres administrations plus particulièrement. Cela d’autant plus dans le champ de l’immatériel qui permet de dupliquer et de redistribuer les produits de ces investissement pour un coût quasi nul.
Partant de ces constats, il s’agit simplement d’inscrire que les logiciels libres sont intrinsèquement les plus à même de répondre à ces enjeux. Ce que les sénateurs, et les députés avant eux, ont largement exprimé lors des débats.

Je dois avouer ne jamais avoir bien saisi cet argument de « dogmatisme ». Il s’agit ici de réfléchir à une politique publique, qui plus est à un niveau législatif. La seule préoccupation doit donc être l’intérêt général. Pour moi il ne s’agit que de bon sens, libre à vous d’y voir un dogme.

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Bonjour ici,

Pourquoi ne pas avoir adopté un terme, une définition, un concept plus cohérent, plus incitatif comme « privilégier des solutions libres lorsqu’elles existent ». Je trouve que « Encourager l’utilisation… » fait courant d’air, une sorte de réponse évasive résultant d’un manque de maturité, pourtant les projets d’ampleur éprouvés ne semblent plus faire défaut un peu partout en Europe.

En Italie par exemple, dans sa PA digitale [1] (formulé dans l’art. 68 del CAD - Codice di Amministrazione Digitale) [2], il est spécifié que les administrations publiques sont dorénavant dans l’obligation de privilégier les solutions libres/open lorsqu’elles existent sur le marché, comment! tout simplement en introduisant le concept d’analyse comparative des solutions, et que le recours à des solutions à licences propriétaires doivent démontrer qu’elles sont justifiées au regard des solutions existants sur le marché.

1 - http://www.eupl.it/opensource/tag/modifiche-allart-68-cad
2 - http://www.interlex.it/testi/sch_codad.htm

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Je ne vois pas comment un logiciel libre pourrait être commercial. Libre signifie libre d’utilisation avec droit d’accès et de modification aux sources. S’il est libre d’utilisation il ne peut pas être commercial.

On est donc d’accord. Ce n’est pas parce que le logiciel est gratuit qu’il sera moins cher à l’utilisation.

C’est une mauvaise réponse à une bonne question. Vous confondez le programme et les données. Ce sont les données qui sont critiques pas les programmes qui les manipulent. La réponse à l’indépendance, la pérennité, et l’interopérabilité se trouve dans les formats ouverts.

Le fait qu’un logiciel soit libre ou pas peut faire partie de l’équation qui permet de construire une réponse technique. Si vous en faites un prérequis alors c’est un dogme.

Je soulignerai juste à titre d’exemple que la FSF considère qu’une licence CC-BY-NC, pour « non commercial », est incomptible avec les licences libres. Et je ne vois pas en quoi nous sommes d’accord mais passons.

Je considère effectivement qu’il y a un intérêt évident et essentiel pour une administration d’avoir sur les logiciels qu’elle acquiert :

  • une liberté d’utilisation à toute fin (pas seulement celle initialement prévue comme souvent le cas dans des licences privatrices « classiques »),

  • une liberté d’étude et de modification ( lui garantissant de pouvoir changer à tout moment de fournisseur ou de prestataire, ou de choisir d’effectuer développement et maintenance en interne. Ou simplement de permettre à un agent compétent de le faire s’il le souhaite, de s’approprier son outil).

  • et la liberté de redistribuer qui permet de faire bénéficier les autres administrations, et le public dans son ensemble, des investissements réalisés. Et inversement.

C’est en cela que les logiciels (sous licences) libres bénéficient, intrinsèquement, aux administrations. Donc oui, garantir les « 4 libertés » qui fondent la définition d’un logiciel libre est à mon sens un pré-requis pour une informatique loyale au service de l’intérêt général.
Finalement, l’aspect technique est absolument secondaire dans cette équation.

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Dans les faits, le choix d’une solution par une administration relève bien souvent de la publicité qui en est faite. A ce petit jeu, la force marketing des solutions propriétaire reste et restera bien supérieur à celle d’une solution open source.
Par définition, un éditeur d’une solution open source (soit la majorité des solutions - Vs solutions purement communautaire) attend l’appel entrant à l’inverse des éditeurs de solution propriétaire qui peuvent se permettre d’envoyer des commerciaux par wagons entiers. Cela veut dire que si une administration veut s’équiper d’une solution open source, elle doit avoir une équipe qui fasse de la veille technologique afin de faire une évaluation préalable. C’est le rôle de la DINSIC qui le fait plutôt pas trop mal avec les moyens du bord.
Ce qui pose problème est que cette instance qui édite le SILL et le RGI n’a qu’une fonction consultative.
Il suffirait de lui donner moyen de soit convaincre, soit imposer les solutions qu’elle valide pour que l’open source finisse par devenir la règle et non plus l’exception (voir l’évidence).

Il me semble que RedHat réalise un chiffre d’affaire conséquent!

Je ne dispose pas de MS Office 2013 ou plus récent, mais cette suite travaille-t-elle correctement avec le format Open Document? Pour ce qui est de MS Office 2010, ce n’est pas le cas.
Photoshop ouvre-t-il sans problème des documents XCF? Voici un échange de forum, bien qu’un peu ancien qui illustre bien le contraire!

En étant pragmatique, il me semble que la grande majorité des utilisateurs se contre-fiche de savoir si les outils qu’ils utilisent sont libres ou pas… le problème est “la dépendance au sentier”, il me semble donc important de contraindre nos écoles pour qu’ils mettent nos enfants sur le bon sentier…
et faire en sorte d’inverser l’attitude qu’on voit dans le lien ci-dessus sur le forum, c’est à dire que celui qui reçoit un format libre se débrouille avec au lieu de râler après son émetteur.
J’aurais préféré lire sur ce forum:
“J’ai installé the gimp et envoyé un email à Adobe pour leur faire part de la limitation de photoshop à l’utilisation du format ouvert XCF”
Peut-être serait-il intéressant de mettre dans la balance que les économies sur l’achat de licence et/ou sur l’exploitation soit utilisé à former les utilisateurs sur les solutions libres.

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Rien n’empêche l’État, ni personne, à payer pour le développement d’un logiciel libre !

Des données justes dans un programme fermé ne peuvent à aucun moment permettre de conclure quoi que ce soit. La preuve en est dans les affaires américaines (les exemples sont dans les cours de seconde) concernant la mauvaise manipulation de chiffres par des jurés ou des juges. Les accusés, sur de leur bon droit ont argué d’irrégularité, non pas quand à la collecte des données, mais sur le caractère fermé du logiciel.

Le même phénomène se produit aujourd’hui en France avec le traitement informatisé opaque que constitue ABP et dont une des expressions est le tirage au sort comme moyen de sélection dans les licences «tendues». Les associations de lycéens et d’étudiants réclament un décret encadrant la pratique du traitement ABP, décret qui n’aura de sens que si le traitement ABP est effectivement un traitement par logiciel ouvert ! Et il sera/devra être payé par l’État !

Le caractère libre d’un logiciel n’est pas un aspect technique.

Je ne suis pas du tout d’accord. Le rôle d’une administration n’est pas d’écrire du logiciel.
Ce qui fondamental pour elle c’est les données qu’elle stocke et manipule, pas les outils logiciels qu’elle utilise. Que le format soit libre me parait fondamental mais que le logiciel qui les manipule soit libre me parait anecdotique.

Je ne suis pas d’accord, personnellement j’entends parler d’open source du matin au soir. Il y a un groupe thématique dans le pôle de compétitivité Systematic, il y a ce forum qui ne parle que de cela. Et enfin les grandes sociétés de service font beaucoup de promotion de l’open source.

Je ne crois pas. Les solutions open source portées principalement par les sociétés de service sont beaucoup plus agressives commercialement que les éditeurs de logiciels classiques.

Il me semble que RedHat vend simplement du service autour du noyau Linux. Il ne vend pas de droit d’utilisation de leur logiciel. C’est juste une société de services spécialisée.

Pourquoi me parlez vous de Microsoft ou d’Adobe ?! Je ne défends ni l’un ni l’autre. Je dis simplement que le problème de la dépendance à un outil n’est pas lié au fait qu’il soit libre ou pas.
D’autre part je suis persuadé qu’on créé plus de valeur économique avec un logiciel commercial qu’avec un logiciel libre. Donc dans l’idéal je souhaiterais que l’administration française s’équipe de logiciels français non libres. Ceci permettrait de faire maturer les technologies nationales et de les exporter.

Que ce soit sur leur site : « Purchase Red Hat Enterprise Linux online. », ou sur les sites professionnels comme dell quand vous achetez un serveur, il faut acheter la licence… c’est pourquoi beaucoup de serveurs sont sur des « redhat like » comme Fedora, CentOS…

Parce que ce sont des exemples emblématiques montrants que les formats libres ne sont qu’anecdotiquement implémentés dans les logiciels privateurs. On peut écrire beaucoup de chose mais il me semble intéressant d’être concret. Pour ma part, à mon travail, les difficultés dues aux logiciels privateurs sont essentiellement liées à la suite bureautique et au logiciel de CAO.

Ce n’est pas son rôle, mais d’une façon générale, les « utilisateurs », que ce soit l’administration ou les entreprises, ont intérêts à se mutualiser et a développer ou faire développer des logiciels libres. Je vous invite à jeter un coup d’œil sur le site de l’adullact et si vous avez l’occasion d’assister à une intervention de son président, François Elie, c’est très intéressant. On crée de la valeur économique si on rémunère le travail réalisé. Le développement des logiciels libres doit être financé par les utilisateurs. Comme vous le précisez, ça fonctionne très bien dans le middleware. Il faut éduquer les utilisateurs a faire de même sur les logiciels.

S’il faut acheter une licence ce n’est pas un logiciel libre.

Je suis d’accord, toute forme de monopole est néfaste à l’utilisateur. Toutefois, pour les avoir essayer, les solutions open source n’ont jamais été à la hauteur des logiciels commerciaux. Du coup je préfèrerai une alternative commerciale à Office ou Photoshop.

Par définition un éditeur de logiciel mutualise les développements. Cela vous coutera moins cher d’acheter Word que de le faire développer. A moins que vous n’arriviez à mutualiser tous les utilisateurs. Bon courage…

Quand je parle de créer de la valeur, je parle justement de la valeur qui se créée par l’investissement du travail de développement. Au final cela doit rapporter plus que cela a coûté à développer.