Contribuer | Rapport d'autoévaluation à mi-parcours du Plan d'action pour la France 2015-2017 "Pour une action publique transparente et collaborative"


Il s'agit d'un sujet en provenance de l'article https://suivi-gouvernement-ouvert.etalab.gouv.fr/fr/contribuer.html

Le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert, une opportunité pour décentraliser la France

Le 24 avril 2015, la Présidence de la République annonce que la France présidera en automne 2016 le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO), une institution internationale réunissant plus de 65 pays membres, et qui vise à « promouvoir la transparence de l’action publique et la gouvernance ouverte, à améliorer la participation citoyenne à l’élaboration des politiques publiques, à renforcer l’intégrité publique et à combattre la corruption grâce notamment aux nouvelles technologies et au numérique »[1]. Cet engagement a impliqué pour la France la constitution d’un plan d’action national, adopté en juin 2015[2] par le Président de la République, et qui doit être révisé en juillet 2017.Ce document énonce 26 engagements, définis par le Secrétariat d’État à la réforme de l’État et à la simplification. Le développement d’une infrastructure de registres distribués (une blockchain d’Etat), dont la forme est proposée au fil des trois propositions qui suivent, pourrait répondre de manière directe à 9 de ces 26 engagements :

Les engagements 11 à 14 en ce qui concerne les apports d’une blockchain pour de nouveaux types de scrutins dans une logique d’expérimentation démocratique :

  • Engagement 11 : Co-produire avec la société civile les registres-clés de données essentielles à la société et à l’économie ;
  • Engagement 12 : Poursuivre l’ouverture des ressources juridiques et la collaboration avec la société civile autour de l’élaboration de la loi ;
  • Engagement 13 : Capitaliser sur les consultations menées et rénover les dispositifs d’expression citoyenne ;
  • Engagement 14. : Renforcer la médiation et la capacité d’agir des citoyens en matière de justice

Le premier engagement et les engagements 15 à 18 en ce qui concerne les conséquences d’une blockchain pour l’infrastructure numérique de l’État, dans une logique de réforme administrative :

  • Engagement 1 : Permettre à tous de consulter, de comprendre et de réutiliser les données financières et les décisions des collectivités territoriales
  • Engagement 15 : Renforcer la politique d’ouverture et de circulation des données ;
  • Engagement 16 : Favoriser l’ouverture des modèles de calcul et des simulateurs de l’État
  • Engagement 17 : Transformer les ressources technologiques de l’État en plateforme ouverte
  • Engagement 18 : Mieux interagir avec l’usager et améliorer les services publics grâce à l’administration numérique

Proposition 1 : s’appuyer sur les infrastructures du Réseau Interministériel de l’État pour déployer une blockchain d’État (« Govchain »)

La première proposition se place dans une perspective de modernisation de l’action publique, et prend appui sur les succès du déploiement du Réseau interministériel de l’État (RIE), infrastructure physique désormais commune à l’ensemble des ministères, et placée sous l’autorité du Premier ministre[3]. Sans cette infrastructure physique, une application en réseau commune à l’ensemble des ministères aurait nécessairement dû transiter par le réseau internet public, ce qui pourrait poser des problèmes de confidentialité et de vulnérabilité des données. Pour maintenir la souveraineté et l’intégrité du Système d’Information de l’État (SI), il doit pouvoir être possible de partager des informations sans passer par un réseau ouvert à tous. Nous nous réjouissons de l’avancement d’un tel projet, sur la base duquel nous devons désormais construire une autre infrastructure, sur le plan logiciel cette fois, pour venir compléter ce nouveau SI.

Une blockchain constituerait des bases robustes pour une telle infrastructure logicielle. Open-source par nature, le design d’une blockchain répond non seulement aux exigences d’ouverture des données publiques mais également à des logiques de décentralisation du développement logiciel de l’État. Sa réalisation constituerait un signal fort dans le sens de la co-construction d’un véritable bien commun numérique, un « code-source » de l’État, sans pour autant avoir à rendre publique l’utilisation qui en est faite par les agents ou par les institutions de la République.

Cette infrastructure permettrait ainsi une interopérabilité entre l’administration et les autres institutions françaises, comme le Parlement ou les collectivités territoriales, permettant l’échange d’informations à la fois de manière totalement sécurisée, et ouverte. Ouvrir les données entre administrations et entre institutions avant de les rendre accessibles au reste de la société.

Proposition 2 : faire de FranceConnect la porte d’entrée de ce réseau pour les citoyens français

Un moyen de remplir ces objectifs de manière cohérente serait par exemple de faire de FranceConnect, la plateforme d’identification de l’État garantissant le respect des normes européennes en matière de sécurité des transactions numériques[4], le point d’entrée d’une blockchain d’État. Au compte FranceConnect de chaque citoyen serait attachée une adresse sur la blockchain de l’État, permettant d’effectuer des transactions avec les administrations et les institutions connectées au portail.

À partir de ce socle d’identification commun et sécurisé, il est ensuite aisé de développer des services supplémentaires au fur et à mesure que d’autres administrations adoptent le protocole. De manière indirecte, par la constitution d’une plateforme dont FranceConnect pourrait être l’embryon, un tel projet d’infrastructure contribuerait ainsi également à la mise en œuvre de l’engagement 10 du plan d’action pour le PGO, consacré au développement de plateformes généralistes d’accès aux services publics. De manière corollaire, ces adresses citoyennes sur la blockchain pourraient également servir de fondation pour permettre à des développeurs indépendants de proposer des applications citoyennes utilisant ce protocole, et de proposer ainsi, par exemple, des expérimentations en matière de nouvelles formes de consultation citoyenne.

Proposition 3 : faire de l’OGP la première institution internationale dotée d’une infrastructure de gouvernance décentralisée

Une fois constituée une« mission blockchain » au sein de l’État, et ces deux premières ambitions réalisées, il serait enfin cohérent d’étendre la logique de son action à des situations dans lesquelles la confiance entre les acteurs est probablement la plus précaire[5] et là où les enjeux sont le plus élevés d’un point de vue politique, à savoir les organisations internationales elles-mêmes. Cette proposition vise à promouvoir la constitution d’infrastructures publiques internationales et illustre comment une blockchain pourrait permettre à la France d’y parvenir en s’appuyant sur la présidence du PGO.

Quelques initiatives ont déjà émergé dans ce sens, la plus notable d’entre elles étant vraisemblablement la décision de la Commission Européenne d’investir cinq millions d’euros dans un projet d’infrastructure décentralisée visant à augmenter la participation citoyenne transnationale pour l’élaboration des politiques de l’Union[6]. Cet appel à projet est assez remarquable pour être salué, et il n’y a aucun doute que le projet sélectionné proposera des perspectives intéressantes pour insuffler un nouvel élan démocratique européen dans les années à venir. Un second exemple[7] propose quant à lui une transition en quatre étapes pour transformer la GLEIF – une agence internationale chargée d’identifier et de répertorier toutes les entités légales engagées dans des transactions financières autour du monde[8]– en une institution autonome décentralisée. Cette agence, fondée par le Fonds de Stabilité Financière lors du sommet du G20 à de novembre 2011[9],est dotée d’une organisation qui repose aujourd’hui sur des agences locales décentralisées – les LOU – qui se chargent de la saisie des données fournies par les chambres de commerce locales. Ces données sont ensuite coordonnées au niveau global par la GLEIF, qui les retransmet à son tour aux pays membres. Ces opérations sont coûteuses (environ 220$ par immatriculation) et nécessitent des interventions humaines à de nombreux niveaux, alors qu’elles pourraient être effectuées automatiquement et gratuitement via une blockchain. Les créateurs d’entreprises se verraient automatiquement attribuer un numéro SIRET international – ou LEI – au moment où ils sont immatriculés au Registre du commerce et des sociétés. Quatre étapes ont ainsi été identifiées pour permettre la transition d’une telle institution vers un simple protocole blockchain :

  •     Développer une application permettant de lire les informations publiées par l’institution et de les copier sur un registre décentralisé
    
  •     Faire de l’émetteur principal de ces informations un nœud pouvant modifier ce registre
    
  •     Faire de chaque émetteur décentralisé un nœud ayant accès au registre
    
  •     Ouvrir la modification du registre à toute nouvelle entrée validée par les nœuds décentralisés, c’est-à-dire les citoyens, les créateurs d’entreprises, les institutions financières, etc.
    

Il est aujourd’hui possible de s’inspirer de ces exemples pour proposer un laboratoire consacré à la gouvernance du PGO, et dégager des pistes de réflexion permettant à cette institution d’amorcer pour elle-même la transition numérique qu’elle souhaite inspirer chez ses Etats membres. Une structure similaire à celle évoquée pour le GLEIF pourrait servir de fondation à l’établissement d’un schéma décentralisé pour la sélection, la validation et le financement de projets innovants en matière de transparence de l’action de l’administration ou d’ouverture des données publiques par exemple, et ce à des coûts minimes. A la France désormais de se saisir de ces opportunités.

Louis Margot-Duclot, directeur juridique de la fondation Democracy Earth (louis@democracy.earth)

Références
[1]http ://www.elysee.fr/actualites/article/la-france-presidera-le-partenariat-pour-un-gouvernement-ouvert/
[2] Partenariat pour un gouvernement ouvert, Plan d’action national pour la France - 2015-2017
[3] Décret n° 2014-879 du 1er août 2014 relatif au système d’information et de communication de l’Etat : https ://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029337021
[4] Règlement européen du 23 juillet 2014 (norme e-IDAS) www.droit-technologie.org/upload/dossier/doc/273-1.pdf
[5] Rachel O’Dwyer, https ://voicerepublic.com/talks/blockchained-together-platform-coop-2015
[6] http ://ec.europa.eu/newsroom/itemdetail.cfm?item_id=28275
[7] https ://blog.erisindustries.com/business,%20finance,%20regulation/2016/04/08/LEI-Global-Ledger/
[8] https ://www.gleif.org/en/about/this-is-gleif
[9] http ://www.fsb.org/wp-content/uploads/r_120608.pdf